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croire, ajoutait encore du poids à la question posée plus haut ; et continuellement j’entendais résonner dans ma tête : Et après ? Pourquoi maintenant suis-je une catin ?

Il est vrai, je le répète, que cela ne me sortait guère de l’esprit ; mais cependant je n’en éprouvais pas le genre d’impression qu’on pourrait attendre d’une pensée d’une nature si importante, si pleine d’intérêt et de gravité.

Néanmoins, elle ne fut pas sans amener quelques petites conséquences, même à ce moment-là ; et cela modifia un peu tout d’abord ma manière de vivre, comme vous l’apprendrez en son lieu.

Mais il survint, en outre, une chose particulière qui me causa quelque ennui à l’époque, et qui fraya la voie à d’autres choses qui suivirent. J’ai mentionné, dans plusieurs petites digressions, l’intérêt que je ressentais pour mes enfants, et de quelle manière j’avais arrangé cette affaire. Il faut que je reprenne ce sujet, afin de relier ensemble les parties subséquentes de mon histoire.

Mon garçon, le seul fils qui me restât et que j’eusse le droit légal d’appeler « fils », avait été, comme je l’ai dit, sauvé de la triste nécessité d’être apprenti chez un ouvrier, et était élevé sur un pied nouveau. Mais bien que ce fût infiniment à son avantage, cela retarda de près de trois ans son entrée dans le monde ; car il avait été près d’un an occupé à l’ingrate besogne à laquelle on l’avait mis d’abord, et il fallut deux autres années pour le former en vue de ce qu’on lui avait donné l’espoir qu’il serait désormais ; de sorte qu’il eut dix-neuf ans accomplis, ou plutôt vingt ans, avant d’être en état d’être lancé suivant mes intentions. C’est à ce moment que je le mis chez un marchand italien dont les affaires étaient très florissantes ; et celui-ci l’envoya à Messine, dans l’île de Sicile. Un peu avant la conjoncture dont je suis en train de parler, j’avais, c’est-à-dire Mme  Amy avait reçu une lettre de lui, annonçant qu’il avait fini son temps et qu’il avait une occasion d’entrer là-bas dans une maison anglaise à de très bonnes conditions, si l’appui qu’il recevait d’ici répondait à ce qu’on lui avait dit d’espérer ; il demandait que ce qu’on voulait faire pour lui fût ordonné de façon à ce qu’il pût l’avoir