Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.

» — Non, non ; elle est venue dans une belle voiture avec de beaux chevaux, et je ne sais combien de valets de pied pour la servir ; et elle a apporté un grand sac d’or et l’a donné à mon oncle ***, celui qui a élevé mon frère, pour lui acheter des vêtements, et pour payer une école et sa pension.

» — Celui qui a élevé votre frère ? reprit Amy. Pourquoi ne vous a-t-il pas élevée aussi, de même que votre frère ? Qui vous a donc élevée, dites-moi ? »

Ici la pauvre fille raconta une mélancolique histoire, comment une tante l’avait élevée, elle et sa sœur, et avec quelle barbarie elle les traitait, ce que nous avons déjà vu.

À ce moment Amy avait la tête pleine de tout cela, et le cœur aussi. Elle ne savait comment dissimuler, ni ce que faire, car elle se sentait sûre que cette servante n’était autre que ma propre fille. Elle lui avait, en effet, raconté toute l’histoire de son père et de sa mère, et comment elle avait été portée par leur bonne à la porte de sa tante, précisément comme il a été relaté au commencement de mon récit.

Amy resta très longtemps sans me rien dire de cela. Elle ne savait pas trop quelle ligne de conduite tenir dans l’occurrence. Mais, comme elle avait autorité pour tout régler dans la maison, elle saisit l’occasion, quelque temps après et sans m’en laisser rien savoir, de prendre la fille en faute et de la mettre à la porte.

Ses raisons étaient bonnes, quoique je ne fusse pas satisfaite d’abord en apprenant ce qui s’était passé ; mais je me convainquis ensuite qu’elle avait raison. En effet, si elle m’en avait parlé, j’aurais été dans une grande perplexité entre la difficulté de me cacher de mon propre enfant et le danger de faire connaître mon genre de vie aux parents de mon premier mari et à mon premier mari lui-même ; car, pour ce qui était de sa mort à Paris, lorsque Amy me vit résolue à ne me plus marier, elle me dit qu’elle avait forgé cette histoire dans le seul but de me mettre à l’aise lorsque j’étais en Hollande, s’il s’offrait quelque chose à mon goût.

Cependant, j’étais encore une mère trop tendre, en dépit de ce que j’avais fait, pour laisser cette pauvre fille aller par le