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à mon sujet, et de ce qu’elle donnerait pour apprendre si j’étais morte ou vivante et dans quelle position je me trouvais ; et que, si elle pouvait me découvrir, si pauvre fussé-je, elle se chargerait de moi, et referait de moi une femme du monde.

Il lui dit que, pour ce qui était de la mère, elle avait été réduite à la dernière extrémité, et obligée (comme il supposait que je le savais) d’envoyer tous ses enfants chez les différents amis de son mari. Sans lui, on les aurait envoyés tous à la paroisse ; mais il avait obligé les autres parents à se partager la charge entre eux. Lui en avait pris deux, dont il avait perdu l’aîné qui était mort de la petite vérole ; mais il avait eu soin de celui qui restait comme des siens propres, et il avait fait bien peu de différence en les élevant, si ce n’est que, lorsque le temps vint de le placer dehors, il avait pensé qu’il valait mieux pour l’enfant lui donner un métier dans lequel il pourrait s’établir sans mise de fonds ; car autrement il aurait perdu son temps. Quant à la mère, il n’avait réussi à rien apprendre à son sujet, et pourtant il avait fait les plus actives recherches. Un bruit courait qu’elle s’était noyée ; mais il n’avait jamais pu rencontrer personne capable de lui dire rien de certain là-dessus.

Amy feignit de pleurer sur sa pauvre maîtresse. Elle lui dit qu’elle donnerait tout au monde pour la voir si elle était vivante. Ils parlèrent encore longuement sur ce sujet, puis ils en revinrent à s’occuper de l’enfant.

Il lui demanda pourquoi elle ne l’avait pas cherché plus tôt ; il aurait pu être pris plus jeune et être élevé conformément aux vues qu’elle avait sur lui.

Elle lui dit qu’elle avait été absente d’Angleterre, et qu’elle ne faisait que de revenir des Indes Orientales. Qu’elle eût été absente d’Angleterre et qu’elle ne fît que d’y revenir, c’était bien vrai ; mais le reste était faux, et elle l’introduisit dans son histoire pour lui fermer les yeux et se prémunir contre de nouvelles recherches. En effet, ce n’était pas une chose étrange pour une jeune femme que d’aller pauvre aux Indes Orientales et d’en revenir puissamment riche. Elle continua donc à donner ses instructions au sujet de l’enfant ; tous deux convinrent qu’on ne dirait pas du tout au garçon ce qu’on avait l’intention