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la porte de leur tante et qui s’était enfuie en les y laissant ; leur pauvre mère manquait de pain, et elle aurait bien voulu savoir ce qu’il était advenu d’elle depuis. Elle ajouta qu’il se trouvait que sa situation dans le monde s’était améliorée ; et, puisqu’elle était en position de le faire, elle était disposée à montrer quelque bonté pour ces enfants, si elle pouvait les découvrir.

Il la reçut avec toute la civilité que demandait une si généreuse proposition ; il lui rendit compte de ce qu’il avait fait pour l’enfant, comme il l’avait entretenu, nourri et vêtu, mis à l’école, et enfin placé dehors pour apprendre un métier. Elle lui dit qu’il avait été véritablement un père pour lui.

« Mais, monsieur, ajouta-t-elle, c’est un métier très dur et très fatigant, et lui n’est qu’un garçon chétif et faible.

» — C’est vrai, répondit-il ; mais c’est l’enfant lui-même qui a choisi le métier, et je vous assure qu’en le plaçant j’ai donné vingt livres sterling et que je dois l’entretenir de vêtements pendant tout son apprentissage. Si le métier choisi est dur, c’est la faute de la situation où il se trouve, le pauvre garçon ; je ne pouvais faire mieux pour lui.

» — Certes, monsieur, reprit Amy ; vous avez fait tout cela par charité, et c’est extrêmement bien ; mais, comme j’ai résolu de faire quelque chose pour lui, je désire, si c’est possible, que vous le retiriez de cette place où il travaille si durement ; car je ne peux supporter de voir cet enfant se donner tant de mal pour gagner son pain, et je veux le mettre à même de vivre sans un si dur labeur. »

Il sourit à ces mots, et dit :

« Je peux bien, sans doute, le retirer ; mais, en ce cas, il faut que je perde les vingt livres que j’ai données pour lui.

» — Eh bien ! monsieur, dit Amy, je vais vous donner le moyen de perdre ces vingt livres immédiatement. »

Et elle mit la main dans sa poche, d’où elle retira sa bourse.

Il commençait à être légèrement stupéfait, et il la regardait fixement en face, si bien qu’elle s’en aperçut et lui dit :

« J’imagine, monsieur, qu’en me regardant ainsi vous pensez me connaître ; mais je suis certaine que vous ne me connaissez pas, car je n’ai jamais vu votre visage avant aujourd’hui. Je