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Sa Seigneurie n’était pas si ardente ; elle voulait seulement savoir si Amy était Mr Amy ou Mrs Amy ; et je suppose qu’elle le sut. Une fois satisfait sur ce cas douteux, mylord se dirigea vers l’autre bout de la chambre, entra dans un petit cabinet et s’y assit.

Pendant ce temps, Amy et moi nous nous levions ; je lui ordonnai de courir faire le lit dans une autre chambre pour mylord, et lui donnai des draps pour y mettre. Elle le fit aussitôt et j’y fis coucher mylord ; lorsque j’eus fini, sur son désir je me couchai avec lui. J’hésitais d’abord à me coucher avec lui, donnant pour excuse que j’avais été au lit avec Amy et que je n’avais pas changé de linge ; mais en ce moment là, il était au dessus de ces délicatesses ; du moment qu’il était sûr que c’était Mrs Amy et non Mr Amy, il était parfaitement content, et c’est ainsi que finit la plaisanterie. Mais Amy ne se montra plus de toute cette nuit là, ni le lendemain, et lorsqu’il la vit, mylord fut d’une telle gaieté avec elle à propos de son éclaircissement[1], comme il disait, qu’Amy ne savait où se mettre.

Non qu’Amy fut après tout une dame si délicate, si l’on s’y était pris avec elle comme il paraît dans la première partie de cet ouvrage ; mais cette fois elle avait été surprise et un peu bousculée, de sorte qu’elle savait à peine où elle en était ; d’ailleurs elle était pour Sa Seigneurie aussi vertueuse qu’aucune dame du monde, et, pour ce qu’il connaissait d’elle, elle en avait l’air. Le reste nous regardait seules, nous qui le savions.

Je menai cette vie coupable huit ans en comptant à partir de mon arrivée en Angleterre ; et bien que mylord ne trouvât rien à redire, je m’apercevais bien sans un grand examen que quiconque me regardait en face pouvait voir que j’avais plus de vingt ans. Cependant, sans me flatter, je portais très légèrement mon âge, qui dépassait la cinquantaine.

Je puis me risquer à dire que jamais une femme ne vécut, comme moi, une vie de vingt-cinq années de désordre, sans le moindre signe de remords, sans aucune marque de repentir, et

  1. Mot en français dans le texte de Defoe. (N. D. T.)