Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En effet, je me montrai plus traitable après ce discours, et comme le temps et un commerce fréquent nous rendirent très intimes, nous finîmes par toucher de plus près l’article principal, à savoir les cinq cents livres par an. Il les offrit du premier mot, reconnaissant comme une faveur infinie de me les voir accepter. Et moi, qui pensais que c’était trop du tout, je me laissai vaincre, c’est-à-dire persuader de céder, sans rien avoir qu’un simple engagement de parole.

Lorsqu’il fut arrivé à ses fins par cette voie, je lui dis ma façon de penser.

« Maintenant vous voyez, mylord, lui dis-je, avec quelle faiblesse j’ai agi, de vous céder sans aucune stipulation, sans rien qui me soit assuré hors ce que vous pouvez cesser de m’allouer quand il vous plaira. Si je suis moins appréciée pour une telle confiance, ce sera m’insulter d’une manière que je m’efforcerai de ne pas mériter. »

Il me répondit qu’il me prouverait jusqu’à l’évidence qu’il ne m’avait pas recherchée pour faire un marché, comme cela se fait souvent ; que, si je le traitais avec une généreuse confiance, je verrais que j’étais entre les mains d’un homme d’honneur, et de quelqu’un qui savait reconnaître une obligation. Et là-dessus, il tira une lettre de change d’un orfèvre pour trois cents livres sterling, et dit, en me la mettant dans la main, qu’il me la donnait comme garantie que je ne perdrais pas pour n’avoir pas fait de marché avec lui.

Cela était vraiment engageant, et me donna une bonne idée de nos futures relations. Bref, comme je ne pouvais me retenir de le traiter avec plus de bonté que je ne l’avais fait jusque-là, une chose en amenant une autre, je lui donnai plusieurs témoignages que je lui appartenais entièrement par inclination aussi bien que par les obligations ordinaires d’une maîtresse ; ce qui lui plût extrêmement.

Bientôt après cet engagement particulier, je me mis à considérer s’il ne serait pas plus convenable au genre de vie que je menais maintenant, d’être un peu plus retirée. Comme je le dis à mylord, cela me débarrasserait des sollicitations des autres et des visites continuelles d’une sorte de gens qu’il