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certaines gens ayant eu au moins le soupçon du lieu où j’avais été et de celui qui m’avait eue tout ce temps, il commença à se faire public que Roxana était, après tout, une simple Roxana, ni meilleure ni pire, et nullement la femme d’honneur et de vertu qu’on avait d’abord supposée.

Il faut maintenant que vous vous figuriez qu’il y avait environ sept ans que j’étais arrivée à Londres, et que non seulement j’avais laissé grossir l’ancien revenu, administré, comme je l’ai fait entendre, par Sir Robert Clayton, mais que j’avais mis de côté une richesse incroyable, si l’on considère le temps. Si j’avais encore eu la moindre pensée de réforme, j’avais toutes les occasions de le faire avec toutes les facilités qu’une femme eût jamais. En effet, le vice commun des courtisanes, je veux dire l’argent, était hors de question ; l’avarice même aurait pu paraître assouvie, car, y compris ce que j’avais économisé en réservant l’intérêt de quatorze mille livres sterling, que j’avais, comme je l’ai dit plus haut, laissé s’accumuler, et y compris quelques présents considérables que je m’étais vu faire par pur compliment à l’occasion de ces brillantes réunions masquées pendant environ deux ans que je les avais tenues, et aussi ce que j’avais trouvé dans trois années de ce que j’appelle la plus somptueuse retraite, j’avais grandement doublé ma première fortune, et j’étais nantie de près de cinq mille livres sterling argent, que je gardais chez moi, en outre de quantité de vaisselle plate et de bijoux que l’on m’avait donnés, ou que j’avais achetés pour me parer les jours de réception.

En un mot, j’avais alors une fortune de trente-cinq mille livres sterling ; et, comme j’avais trouvé le moyen de vivre sans gaspiller ni le capital ni l’intérêt, je mettais deux mille livres sterling de côté par année, au moins. J’ajoutai cet intérêt au capital et continuai de vivre ainsi.

À la fin de ce que j’appelle ma retraite, de laquelle je retirai beaucoup d’argent, je reparus donc, mais je ressemblais à un ancien plat d’argent qui a été enfermé pendant des années, et qui revient un jour, terni et décoloré. Je me montrai de nouveau, mais défraîchie, et j’avais l’air d’une maîtresse qu’on a mise au rebut. Je n’étais rien de mieux, il est vrai, bien que