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me retirer et ôter ma robe, car j’étais un peu trop mince dans ce costume, sans lacet et la poitrine en liberté, comme si j’avais été en chemise. Mais cela ne se pouvait pas, et je fus obligée de danser ensuite avec six ou huit gentilshommes, la plupart, si non tous, du plus haut rang. On me dit plus tard que l’un d’eux était le D** de M. — th.[1].

Vers deux ou trois heures du matin la compagnie commença à diminuer, les femmes surtout ; elles s’éclipsaient et s’en allaient chez elles, par petits groupes. Les gentilshommes se retirèrent en bas, où ils se démasquèrent et se mirent à jouer.

Amy servait dans la salle où ils jouaient. Elle resta debout toute la nuit, pour être à leurs ordres, et, au matin, lorsqu’ils se séparèrent, ils brisèrent la boîte de la cagnotte dans son giron, elle me compta soixante-deux guinées et demie. Les autres domestiques furent aussi très bien traités. Lorsqu’ils furent tous partis, Amy vint à moi, béante, et me dit avec un grand cri :

« Seigneur, madame, que ferai-je de tout cet argent ? »

Et de fait la pauvre créature était à demi folle de joie.

J’étais dès lors dans mon élément. On parlait de moi autant qu’il était possible de le souhaiter, et je ne doutais pas qu’il n’en sortît quelque chose ; mais le bruit de mes grandes richesses était plutôt un obstacle à mes desseins qu’autre chose, car les gentlemen qui sans cela auraient peut-être été assez pressants, semblaient se tenir à distance : Roxana était trop haut pour eux.

Ici se place un épisode que je dois cacher aux yeux et aux oreilles des hommes. Pendant trois ans et un mois environ, Roxana vécut retirée, ayant été obligée de faire une excursion avec quelqu’un et d’une façon et que le devoir et des serments personnels l’obligent à ne pas révéler, pour le moment, du moins.

À la fin de ce temps, je reparus. Mais je dois ajouter que, comme j’avais profité de ce temps de retraite, pour faire ample moisson, je ne me représentai pas dans le monde avec le même éclat, ni ne brillai aussi avantageusement qu’autrefois. En effet,

  1. Le duc de Monmouth ? (N. D. T.)