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guinées ; trois de ces personnages, dis-je, vinrent, apportant des bouteilles de toute sorte de vins, et des mannes de sucreries en telle quantité qu’il était évident qu’ils comptaient se livrer au même commerce plus d’une fois, et qu’ils voulaient tout fournir à profusion.

Cependant, trouvant que quelque chose manquait en deux points, je fis provision d’environ douze douzaines de fines serviettes damassées, avec des nappes de même tissu en nombre suffisant pour couvrir toutes les tables en en mettant trois sur chacune, et des buffets en proportion. J’achetai aussi une belle quantité de vaisselle plate, ce qu’il en fallait pour le service de tous les buffets ; mais ces messieurs ne voulurent pas permettre qu’on s’en servît du tout, me disant qu’ils avaient acheté de beaux plats et de belles assiettes de porcelaine pour tout le service, et que, dans des lieux si publics, ils ne pouvaient répondre de la vaisselle plate. En conséquence, elle fut toute disposée dans un grand buffet vitré, dans la chambre où je me tenais, où elle faisait vraiment très bon effet.

Le mardi, il arriva une telle affluence de messieurs et de dames que nos appartements ne furent absolument pas capables de les recevoir. Ceux qui avaient l’air d’être les principaux de la société, donnèrent en bas l’ordre de ne plus laisser monter personne. La rue était pleine de carrosses armoriés et de belles chaises à porteur. Bref, il fut impossible de recevoir tout le monde. Je me tins dans ma petite pièce, comme la première fois, et les danseurs remplirent la grande salle ; tous les salons étaient également remplis, ainsi que trois chambres au-dessus, qui n’étaient pas à moi.

Ce fut très sagement fait, qu’on eût amené un fort détachement de gardes pour veiller à la porte ; car, sans cela, il y aurait eu une foule si mêlée, et, dans le nombre, des gens si prêts à faire du scandale, que nous aurions été dans le désordre et dans la confusion la plus complète ; mais, les trois domestiques de confiance arrangèrent tout cela ; ils n’admettaient personne que sur un mot de passe.

J’étais dans l’incertitude, et je le suis encore aujourd’hui, sur le personnage qui avait dansé avec moi le mercredi précédent,