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un pas seule. Aussitôt toute la chambrée se leva, et me fit honneur en reculant partout de manière à faire de la place, car tout était extrêmement plein. Au début la musique n’attrapa pas l’air que j’indiquais : c’était un air français. Je fus donc forcée d’y faire retourner ma femme de chambre, pendant que je me tenais à la porte de mon salon ; mais dès que ma femme de chambre leur eut parlé, ils jouèrent juste, et, pour leur montrer que c’était bien cela, je m’avançai jusqu’au milieu de la salle. Alors ils reprirent l’air de nouveau, et je dansai seule une figure que j’avais apprise en France, lorsque le prince de *** désirait me voir danser pour son divertissement. C’était vraiment une figure très jolie, inventée par un fameux maître de Paris, pour être dansée seule par une dame ou par un monsieur ; mais, comme elle était absolument nouvelle, elle plut extrêmement à la compagnie, et tout le monde pensa que c’était turc. Un monsieur eut même la folie de s’avancer jusqu’à dire, et, je crois bien qu’il en donna sa parole, qu’il l’avait vu danser à Constantinople, ce qui était assez ridicule de sa part.

À la fin de la danse, la société applaudit et poussa presque des acclamations. Un des messieurs cria : « Roxana ! Roxana ! au nom du… », avec un juron ; et à partir de ce sot incident, le nom de Roxana s’attacha à moi d’un bout à l’autre de la cour et de la ville, aussi définitivement que si j’eusse été baptisée Roxana. J’eus, paraît-il, le bonheur de plaire extrêmement à tout le monde cette nuit-là ; mon bal, et surtout mon costume, firent la conversation de la ville pendant toute la semaine ; le nom de Roxana fut le refrain des toasts de la cour, et il n’y avait aucun nom à y accoupler.

Les choses commençaient à marcher comme je le voulais, et je devenais très répandue, autant que je le pouvais désirer. Le bal dura jusqu’à ce que je fusse aussi fatiguée de ma nuit que satisfaite de mon exhibition. Les messieurs masqués s’en allèrent vers trois heures du matin ; les autres s’assirent au jeu ; la musique tint bon, et quelques-unes des dames dansaient encore à six heures.

Mais j’avais un violent désir de savoir qui était la personne avec qui j’avais dansé. Certains seigneurs allèrent jusqu’à me