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qu’il lui plairait ; et c’était, en effet, le cas. Ils jouaient gros jeu, et restaient tard ; mais ils me faisaient leurs excuses, ne me demandant que la permission de se donner rendez-vous pour le soir suivant. J’étais aussi gaie et aussi contente qu’aucun d’eux, et un soir je dis à un de ces messieurs, mylord ***, que, puisqu’ils me faisaient l’honneur de se divertir chez moi, et qu’ils souhaitaient de s’y trouver de temps en temps je ne tenais pas de table de jeu, mais que je leur donnerais un petit bal le jour suivant, si cela leur plaisait ; chose qu’ils acceptèrent avec empressement.

En conséquence, dans la soirée, les messieurs commencèrent à venir, et je leur fis voir que j’entendais à merveille ce qu’étaient ces sortes de choses. J’avais dans mes appartements une grande salle à manger, et cinq autres chambres au même étage ; je les tranformai toutes en salon pour l’occasion, en en faisant enlever les lits ce jour-là. Dans trois de ces pièces je fis placer des tables couvertes de vins et de sucreries ; dans la quatrième on mit une table à tapis vert pour jouer, et la cinquième était ma propre chambre, où je me tenais et où je reçus tous mes hôtes qui vinrent me présenter leurs compliments. J’étais, vous pouvez le croire, habillée le mieux possible à mon avantage, et j’avais mis tous les bijoux que je possédais. Mylord ***, à qui j’avais fait l’invitation, m’envoya du théâtre une troupe de bons musiciens, et les dames dansèrent ; nous commencions à être très gais lorsque, vers onze heures, on m’avisa qu’il y avait quelques messieurs qui arrivaient en mascarade. Je parus un peu surprise, et je craignais quelque désordre, lorsque mylord **, s’en apercevant, me dit d’être tranquille, parce qu’il y avait à la porte un détachement de gardes qui seraient prêts à empêcher toute grossièreté ; et un autre gentleman m’insinua que le roi pouvait bien être parmi les masques. Je devins aussi rouge que le sang peut rougir un visage et exprimai une grande surprise. Mais il n’y avait pas à reculer ; je gardai donc ma place dans mon salon, mais avec les portes ouvertes à deux battants.

Un moment après, les masques entrèrent et débutèrent par une valse à la comique[1], dont ils s’acquittèrent vraiment à

  1. Ainsi écrit dans le texte de Defoe. (N. D. T.)