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née libre et l’étais encore, et qu’ayant abondance de biens je ne comprenais pas comment les mots d’honneur et d’obéissance pouvaient s’accorder avec l’indépendance d’une femme libre. Je ne voyais pas la raison qu’avaient les hommes pour accaparer toute la liberté de l’espèce et pour assujettir les femmes, malgré toutes les inégalités de fortune, à des lois matrimoniales de leur propre fabrication. J’avais le malheur d’être une femme, mais j’étais déterminée à ne pas permettre au sexe de rendre ce malheur pire ; et, voyant que la liberté était la propriété des hommes, je voulais être une femme-homme, car, étant née libre, je prétendais mourir de même.

Sir Robert sourit, et me répondit que je tenais là une sorte de langage d’amazone. Il avait rencontré peu de femmes de mon avis, ou, s’il y en avait, elles manquaient de la résolution nécessaire pour s’y conformer. Malgré toutes mes idées, qui avaient, il ne pouvait s’empêcher de le dire, quelque poids jadis, il croyait comprendre que j’y avais fait infraction et que j’avais été mariée. Je répondis que je l’avais été, mais qu’il ne m’avait point entendu dire que ce qui s’était passé m’eût en rien encouragée à tenter une seconde fois l’aventure. J’étais heureusement sortie de la nasse une fois, et, si j’y retombais, je n’aurais à blâmer personne que moi-même.

Sir Robert rit de bon cœur et renonça à me présenter de nouveaux arguments. Il me dit seulement qu’il m’avait désignée à quelques-uns des plus grands commerçants de Londres, mais que, puisque je le lui défendais, il ne m’importunerait plus sur ce sujet. Il me félicita de ma façon d’administrer mon argent et me dit que je serais bientôt monstrueusement riche. Mais il ne savait ni ne soupçonnait qu’avec toute cette opulence, j’étais toujours une catin, nullement contraire à l’idée d’ajouter encore à mes biens aux dépens de ma vertu.

Mais je reprends ce que je disais quant à ma façon de vivre. Je reconnus, comme je l’ai marqué plus haut, que vivre comme je le faisais ne donnait pas de bons résultats ; cela n’aboutissait, je le répète, qu’à attirer autour de moi les chasseurs de dot et les chevaliers d’industrie dans l’espoir de faire leur proie de moi et de mon argent. Bref, j’étais harcelée d’une