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» — Laissez la chose là jusqu’à l’année prochaine, madame, me dit-il. Alors je placerai vos quatorze cents livres d’un coup, et en attendant je vous payerai l’intérêt sur les sept cents livres. » En conséquence, il me donna son billet pour l’argent, qui, dit-il, ne devait pas me rapporter moins de six pour cent. Le billet de sir Robert Clayton était de ceux que personne ne refuse ; aussi je le remerciai, et laissai la chose là. L’année suivante j’en fis autant, et la troisième année, sir Robert me prit une bonne hypothèque pour deux mille deux cents livres à six pour cent d’intérêt ; de sorte que j’eus 132 livres sterling d’ajoutées à mes revenus, ce qui était une affaire très satisfaisante.

Mais je reviens à mon histoire. Comme je l’ai dit, je m’aperçus que toutes mes mesures étaient fausses ; le pied sur lequel je m’étais mis m’exposait à d’innombrables visiteurs du genre de ceux que j’ai mentionnés plus haut. J’eus la réputation de posséder une grande fortune, et une fortune que sir Robert Clayton administrait. Aussi sir Robert était-il recherché pour moi, autant que je l’étais moi-même. Mais j’avais donné à sir Robert de quoi répondre : je lui avais dit mon opinion sur le mariage précisément dans les mêmes termes que j’avais employés avec mon marchand, et il y était entré sur le champ. Il confessait que j’observais juste, et que, si j’attachais du prix à ma liberté, comme je connaissais ma fortune et qu’elle était toute à ma disposition, je serais à blâmer si je la cédais à quelqu’un. Mais sir Robert ne savait rien de mes desseins, c’est-à-dire que je visais à être prise par quelqu’un pour maîtresse et libéralement entretenue ; que j’étais bien toujours disposée à gagner de l’argent, et même à en mettre de côté autant qu’il pouvait le désirer, seulement d’une manière plus fâcheuse.

Cependant sir Robert vint un jour me trouver sérieusement, et me dit qu’il avait une offre de mariage à me faire qui dépassait tout ceux qui, à sa connaissance, s’était présenté. C’était un marchand. Sir Robert et moi, nous tombions parfaitement d’accord sur l’idée que nous nous faisions d’un marchand. Sir Robert disait, et je reconnus que c’était vrai, qu’un marchand pur-sang est le meilleur gentleman de la nation ; en connaissances, en