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en passant, que sir Robert supposait d’après mes propres discours, et surtout d’après ma femme de chambre Amy, que j’avais deux mille livres sterling de revenu annuel. Il jugeait, disait-il, d’après ma manière de vivre, que je ne devais pas en dépenser plus de mille ; et il ajoutait qu’ainsi je pouvais prudemment mettre de côté mille livres sterling par an pour ajouter au capital ; et en ajoutant chaque année l’intérêt composé, ou revenu, de cet argent au capital, il me prouvait qu’en dix ans je doublerais les mille livres que je mettrais annuellement de côté. Il me dressa, suivant ses expressions, une table de cet accroissement, pour que je puisse juger par moi-même ; et par là, disait-il, si les gentlemen d’Angleterre voulaient seulement en agir ainsi, toutes les familles augmenteraient leur fortune dans des proportions considérables, exactement, comme les marchands le font par le commerce ; tandis qu’aujourd’hui, avec cette disposition à dépenser leurs revenus jusqu’au bout, et même au delà, les gentlemen et les nobles mêmes sont presque tous obérés d’emprunts et dans la gêne.

Comme sir Robert venait fréquemment me rendre visite et trouvait très agréable (si je puis le répéter d’après ses propres paroles) ma manière de causer avec lui, — il ne savait rien, et n’avait même aucun soupçon de ce que j’avais été, — comme, dis-je, il venait souvent me voir, il m’entretenait toujours de ce plan d’économie. Une fois, il m’apporta un autre papier, où il me montra, à peu près de la même façon que dans le premier, à quel point j’augmenterais ma fortune si je voulais me mettre à cette méthode de diminuer mes dépenses ; et d’après ce plan à lui, il paraissait qu’en mettant de côté mille livres sterling par an et en y ajoutant chaque année l’intérêt de cette somme, j’aurais en banque au bout de douze ans vingt et une mille cinquante huit livres sterling, après quoi je pourrais mettre de côté deux milles livres sterling par an.

J’objectai que j’étais une jeune femme, que j’avais été accoutumée à vivre dans l’abondance et à mener grand train, et que je ne savais comment faire pour être avare.

Il me répondit que si je croyais avoir assez, c’était bien ; mais si je désirais avoir davantage, c’était là le moyen, et