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cette sorte d’existence, et, par conséquent, je ne risquais pas d’être prise de ce côté-là. Quoi qu’il en soit, comme je l’ai dit, la renommée de mon argent amena autour de moi plusieurs gentilshommes de cette sorte, et ils trouvèrent moyen, par un stratagème ou par un autre, de s’approcher de ma seigneurie. Mais, en somme, je leur répondis assez proprement que je vivais seule et étais heureuse ; que, comme je n’étais pas dans le cas de changer ma condition contre des richesses, je ne voyais pas non plus que ma fortune dût être améliorée par tout ce qu’aucun d’entre eux pouvait m’offrir de plus beau ; que je pourrais, il est vrai, être honorée de titres et, avec le temps, prendre rang dans les cérémonies publiques avec les pairesses (je fais mention de cela, parce que l’un de ceux qui s’offraient à moi était le fils aîné d’un pair) ; mais que j’étais aussi bien sans le titre tant que j’en avais la fortune, et que, du moment que j’avais deux mille livres sterling à moi par an, j’étais plus heureuse que je ne pourrais l’être comme prisonnière d’état d’un noble, car les dames de ce rang ne me semblaient pas être quelque chose de beaucoup mieux.

Puisque j’ai nommé sir Robert Clayton, dont j’avais eu la bonne fortune de faire la connaissance à propos de l’hypothèque qu’il m’avait procurée, il faut remarquer que je retirai beaucoup d’avantages dans le courant de mes affaires par ses avis ; c’est ce qui fait que j’ai appelé sa connaissance une bonne fortune. En effet, comme il me payait un revenu annuel non moindre de sept cents livres sterling, il faut reconnaître que je dois beaucoup, non seulement à la justice de ses relations avec moi, mais à la prudence et à la ligne de conduite où ses avis me firent suivre pour l’administration de mes biens. Ayant vu que je n’avais pas de penchant au mariage, il saisissait fréquemment l’occasion de me faire comprendre avec quelle rapidité je pouvais élever ma fortune jusqu’à une prodigieuse hauteur, si je voulais seulement limiter mes dépenses domestiques en deçà de mon revenu, de manière à mettre chaque année de côté quelque chose pour l’ajouter au capital.

J’étais convaincue de la vérité de ce qu’il disait, et tombais d’accord des avantages à en retirer. Il faut que vous sachiez,