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joyaux d’une valeur si considérable, m’avaient donné l’occasion de connaître et de fréquenter plusieurs des meilleurs commerçants de la place ; de sorte que je n’avais pas besoin maintenant qu’on m’enseignât le moyen de faire remettre mon argent en Angleterre. Je m’adressai donc à plusieurs marchands, afin, d’un côté, de ne pas risquer le tout sur le crédit d’un seul, et de l’autre, de ne laisser personne savoir la quantité d’argent que j’avais. — je m’adressai donc, dis-je, à plusieurs marchands, et je pris des lettres de change payables à Londres, pour tout mon argent. Les premières lettres de change, je les pris avec moi ; les secondes, je les laissai en dépôt (en cas de quelque catastrophe en mer) entre les mains du premier marchand, celui à qui j’étais recommandée par mon ami de Paris.

Ayant ainsi passé neuf mois en Hollande, refusé la plus belle offre que jamais femme dans ma position se soit vu faire, m’étant séparée dûrement, et même barbarement, du meilleur ami et du plus honnête homme du monde, ayant pris tout mon argent dans ma poche et un bâtard dans mon ventre, je m’embarquai à Briel dans le paquebot, et arrivai heureusement à Harwich, où ma femme de chambre, Amy, était, sur mes ordres, venue à ma rencontre.

J’aurais volontiers donné dix mille livres sterling de mon argent pour être débarrassée du fardeau que j’avais dans le ventre, comme je le disais plus haut ; mais cela ne se pouvait pas, et je fus obligée d’en prendre mon parti, et de m’en débarrasser par la méthode ordinaire de la patience et d’un douloureux travail.

J’étais au-dessus de l’accueil méprisant que les femmes dans ma condition rencontrent souvent. J’avais pris toutes mes précautions au préalable ; j’avais mis Amy en mouvement d’avance, en lui faisant passer l’argent nécessaire. Elle m’avait retenu une très belle maison dans la rue *** près de Charing-Cross ; elle avait engagé deux servantes et un valet de pied, qu’elle avait habillé d’une bonne livrée ; puis, ayant loué une voiture de remise et quatre chevaux, elle était venue avec le domestique à ma rencontre à Harwich, et elle y était depuis près d’une semaine quand j’arrivai ; de sorte, que je n’eus rien à faire