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tomber dans ce malheur dont il parlait, et elles me remplissaient la tête de mille inquiétudes et de mille pensées sur la façon dont il m’était possible, à moi, qui avais maintenant une telle fortune, de sombrer de nouveau dans la misère.

Puis l’épouvantable spectacle de ma vie, lorsque j’avais été abandonnée avec mes cinq enfants, etc., comme je l’ai raconté, se représentait encore à moi ; et je restais à considérer quelle conduite il se pouvait que je tinsse pour me ramener à un tel état de désolation, et comment je devrais agir pour l’éviter.

Mais cela se dissipa graduellement. Quant à mon ami, le marchand, il était parti, et parti pour toujours, car je n’osai le suivre à Paris, pour les raisons que j’ai mentionnées plus haut. D’un autre côté, je craignais de lui écrire de revenir, de peur qu’il ne me refusât, comme je crois véritablement qu’il l’aurait fait. Je passai donc quelques jours, et je puis bien dire quelques semaines, dans des pleurs intolérables ; mais, je le répète, cela se dissipa graduellement, et, comme j’avais assez d’occupation à faire valoir mes fonds, les exigences de ces affaires servirent à détourner mes pensées et, en partie, à effacer les impressions qui avaient été faites sur mon esprit.

J’avais vendu mes joyaux, tous excepté la belle bague en diamant que mon amant le joaillier avait coutume de porter, et je la portais moi-même, dans les occasions, ainsi que le collier de diamants que le prince m’avait donné et une paire de boucles d’oreilles extraordinaires, valant environ six cents pistoles. Le reste, qui consistait en une belle cassette qu’il m’avait laissée à son départ pour Versailles et un petit écrin avec quelques rubis, émeraudes, etc., je le vendis, je le répète, à La Haye pour sept mille six cents pistoles. J’avais touché toutes les lettres de change que le marchand m’avait fournies à Paris, et, avec l’argent que j’avais apporté avec moi, cela faisait treize mille neuf cents pistoles de plus ; de sorte qu’en argent comptant et à mon crédit à la Banque d’Amsterdam, j’avais plus de vingt-et-une mille pistoles, outre des bijoux. Comment transporter ce trésor en Angleterre, c’était là mon plus pressant souci.

Les relations que j’avais entretenues avec beaucoup de personnes pour recevoir de si grosses sommes et pour vendre des