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Après avoir entendu ce récit, elles décidèrent qu’elles porteraient elles-mêmes tous les enfants à la porte de quelqu’un des parents dont j’ai parlé plus haut, qu’ils y seraient déposés par la servante Amy, et que moi, la mère, je m’en irais pour quelques jours, fermerais la maison, et disparaîtrais. On dirait à ces gens, que s’ils ne jugeaient pas convenable de prendre un peu soin des enfants, ils pouvaient envoyer chercher les marguilliers au cas où ils croiraient que cela valait mieux ; car ces enfants étaient nés dans leur paroisse, et il fallait pourvoir à leur subsistance. Quant à l’autre enfant, né dans la paroisse de ***, les autorités en prenaient déjà soin ; et, en effet, ils avaient si bien compris la misère de la famille, qu’ils avaient, au premier mot, fait ce qui leur incombait de faire.

Voilà ce que me proposèrent ces excellentes femmes, et elles me prièrent de m’en remettre à elles pour le reste. Je fus, tout d’abord, vivement affligée de l’idée de me séparer de mes enfants, surtout à l’idée de cette chose terrible, qu’ils seraient à la garde de la paroisse. Puis, cent mille choses horribles me vinrent à l’esprit, des histoires d’enfants de la paroisse morts de faim en nourrice ; d’autres ruinés de santé, déviés, boiteux, etc., parce qu’on n’avait pas pris assez soin d’eux. Et ces pensées faisaient défaillir mon cœur au dedans moi.

Mais la misère de ma position m’endurcit le cœur vis-à-vis de ma propre chair et de mon propre sang. Considérant qu’ils mourraient de faim infailliblement, et moi aussi, si je continuais à les garder près de moi, je commençai à me faire à l’idée de me séparer d’eux tous, n’importe comment et n’importe où, afin de me délivrer de l’épouvantable nécessité de les voir tous périr et de périr moi-même avec eux. Je consentis donc à m’en aller de la maison, et à laisser l’exécution de toute cette affaire à ma servante Amy et à elles. Je fis comme c’était convenu ; et, dans l’après-midi même, elles les portèrent tous à une des tantes.

Amy, fille résolue, frappa à la porte, ayant tous les enfants avec elle ; et elle dit à l’aîné, aussitôt que la porte serait ouverte, de se précipiter à l’intérieur, et tout le reste après lui. Elle les déposa tous devant la porte avant de frapper, et, quand elle