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pouvait pas dire que je l’y avais attiré par supercherie. Tandis que, suivant son projet, il m’avait amenée à coucher avec lui, en comptant que c’était un jeu sûr pour arriver au mariage, moi, je lui avais accordé cette faveur, comme il l’appelait, pour solder le compte des faveurs que j’avais reçues de lui et n’avoir pas mauvaise grâce à garder les mille pistoles.

Il fut extrêmement désappointé sur cet article, et, pendant longtemps ne sut comment agir. J’ose dire que s’il n’avait pas cru s’en faire un gage pour m’épouser, il n’aurait jamais rien entrepris sur moi en dehors du mariage ; de même je croyais que, si ce n’avait été pour l’argent qu’il me savait avoir, il n’aurait jamais souhaité de m’épouser après avoir couché avec moi. Car quel est l’homme qui se soucie d’épouser une catin, quand même elle le serait de son fait ? Je le connaissais pour n’être pas un sot ; je ne lui faisais donc pas tort lorsque je supposais que, sans l’argent, il n’aurait eu aucune pensée de ce genre à mon endroit, surtout après lui avoir cédé comme je l’avais fait. Et ici il faut se rappeler que je n’avais rien stipulé en vue du mariage en lui cédant, mais que je l’avais simplement laissé faire ce qui lui plaisait, sans aucun marché préalable.

Ainsi, jusque là, nous en étions à deviner les desseins l’un de l’autre. Mais comme il continuait à me presser de me marier, bien qu’il eût couché avec moi et qu’il y couchât aussi souvent qu’il lui plaisait, et comme je continuais moi, à refuser de l’épouser, bien que je le laissasse coucher avec moi toutes les fois qu’il le désirait, dis-je, c’était là ce qui formait le fond de notre conversation, et les choses ne pouvaient durer longtemps ainsi ; on devait en venir à une explication.

Un matin, au milieu de nos libertés illicites, c’est-à-dire pendant que nous étions au lit ensemble, il soupira et me dit qu’il sollicitait la permission de me faire une question, me priant d’y donner une réponse avec la même liberté candide et la même honnêteté dont j’avais coutume d’user envers lui. Je lui dis que j’y consentais. Alors il me fit cette question : Pourquoi ne voulais-je pas l’épouser, lorsque je lui permettais toutes les privautés d’un mari ?

« Puisque vous avez été assez bonne pour me recevoir dans