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je ne veuille pas vous épouser, malgré cela. Si j’ai un enfant, il faudra prendre des mesures pour conduire cette affaire comme vous l’indiquerez. J’espère que vous ne m’exposerez pas au mépris public pour m’être livrée à vous ; mais je ne peux aller plus loin. »

Et là-dessus je m’arrêtai, sans vouloir en aucune façon entendre parler de mariage.

Maintenant, ceci pouvant sembler un peu bizarre, je vais clairement établir la question comme je la comprenais moi-même. Je savais que tant que je serais une maîtresse, il est d’usage que la personne entretenue reçoive de ceux qui l’entretiennent ; au contraire, si j’étais une épouse, tout ce que j’avais était abandonné à mon mari, et j’étais moi-même dorénavant sous sa seule autorité. Or, comme j’avais assez d’argent et que je n’avais pas besoin de craindre d’être ce qu’on appelle une maîtresse au rebut, je n’avais pas besoin non plus de lui donner vingt mille livres sterling pour m’épouser. C’eût été acheter de quoi me loger à un prix beaucoup trop haut.

Ainsi son plan de coucher avec moi fut un hameçon auquel il se prit lui-même, lorsqu’il avait l’intention de m’y prendre ; et il ne se trouva pas plus près de son but, — le mariage, — qu’il ne l’était auparavant. Je coupai court à tous les arguments qu’il pouvait mettre en avant en refusant positivement de l’épouser ; et, comme il n’avait pas voulu accepter les mille pistoles que je lui avais offertes en compensation de ses dépenses et de ses pertes à Paris avec le Juif, à cause de l’espoir qu’il avait de m’épouser, lorsqu’il vit encore des difficultés sur son chemin, il en fut stupéfait, et j’eus quelques raisons de croire qu’il se repentit d’avoir refusé l’argent.

Mais il en est ainsi lorsque les hommes se jettent dans des expédients coupables pour faire aboutir leurs desseins. Moi, qui lui étais auparavant infiniment obligée, je me mis à lui parler comme si j’avais maintenant réglé mes comptes avec lui, et que la faveur de coucher avec une catin valût non pas les mille pistoles seulement, mais tout ce dont je lui étais redevable pour m’avoir conservé la vie et tous mes biens.

Mais c’était lui-même qui s’était amené là, et si c’était un marché coûteux pour lui, c’était un marché qu’il avait voulu faire. Il ne