Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.

porte, et vient immédiatement au chevet du lit. Je fis semblant de m’indigner et de lutter, et lui ordonnai de s’en aller avec plus de chaleur qu’auparavant. Mais rien n’y fit ; il n’avait pas sur lui un lambeau de vêtement autre que sa robe de chambre, ses pantoufles et sa chemise ; il rejeta sa robe de chambre, ouvrit le lit et y entra sur le champ.

Je fis un semblant de résistance, mais ce n’était rien de plus, en vérité ; car, comme je l’ai dit, j’étais décidée dès le commencement à ce qu’il couchât avec moi s’il le voulait, et pour le reste, je le laisserais venir ensuite.

Il coucha donc avec moi cette nuit là, et les deux suivantes ; et nous fûmes très gais pendant les trois jours. Mais la troisième nuit, il commença à être un peu plus grave.

« Maintenant, ma chère, me dit-il, j’ai, il est vrai, poussé l’affaire plus loin que je n’en avais jamais eu l’intention, et que je crois que vous ne vous y attendiez pas de ma part, car je n’ai jamais élevé vers vous de prétentions qui ne fussent très honnêtes ; mais, pour tout réparer et vous faire voir combien j’étais sincère dès le début et avec quelle honnêteté j’en agirai toujours avec vous, je suis encore prêt à vous épouser, et je désire que vous consentiez à ce que cela se fasse demain matin. Je vous ferai les mêmes conditions avantageuses au contrat que je vous aurais faites auparavant. »

C’était là, il faut l’avouer, une preuve qu’il était très honnête et qu’il m’aimait sincèrement ; cependant je l’interprétai dans un sens tout contraire, et je crus qu’il en voulait à l’argent. Mais combien ne parut-il pas surpris, combien ne fut-il pas confondu, lorsqu’il me vit accueillir ses propositions avec froideur et indifférence, et lui dire encore que c’était la seule chose que je ne pusse lui accorder !

Il était frappé d’étonnement.

« Quoi, ne pas me prendre maintenant, disait-il, lorsque j’ai partagé votre lit ! »

Je lui répondis froidement, quoique toujours avec respect :

« Il est vrai, et on peut le dire à ma honte, que vous m’avez prise par surprise et que vous avez fait de moi ce que vous avez voulu ; mais j’espère que vous ne trouverez pas mauvais que