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change et mes papiers à ce propos ; ce n’était pas pour cela qu’il m’avait raconté l’histoire, ni dans aucune vue semblable ; son malheur avait été tout d’abord de m’amener ce hideux coquin, et quoiqu’il l’eût fait dans une bonne intention, il ne s’en punirait pas moins, par les frais qu’il avait dû faire, d’avoir eu si peu de chance vis-à-vis de moi ; je ne pouvais avoir de lui assez mauvaise opinion pour supposer qu’il voulût accepter de l’argent de moi, une veuve, pour m’avoir rendu service et m’avoir témoigné de l’intérêt dans un pays étranger et lorsque j’étais dans le malheur ; mais il répétait ce qu’il avait déjà dit, qu’il me réservait un règlement de comptes plus sérieux, et que, comme il me l’avait déclaré, il me mettrait à même de m’acquitter d’un coup de toutes ces faveurs, comme je les appelais, et de faire une balance définitive.

Je croyais qu’il allait se déclarer ; mais il différa encore, comme il l’avait fait jusque là ; d’où je conclus que ce ne pouvait être une question d’amour, car ces sortes de choses ne se remettent pas ainsi d’ordinaire. Par conséquent, ce devait être une question d’argent. Dans cette pensée, je pris la parole et lui dis que, puisqu’il savait que j’étais obligée à lui vouloir trop de bien pour lui refuser aucune faveur que je pourrais lui accorder, je le priais de me donner la permission de lui demander si rien n’inquiétait son esprit relativement à ses affaires ou à ses biens ; si cela était, il savait ce que je possédais aussi bien que moi, et s’il avait besoin d’argent, je lui ferais avoir la somme qu’il lui fallait jusqu’à concurrence de cinq ou six mille pistoles ; il me payerait selon que ses affaires le permettraient ; et s’il ne me payait jamais, je l’assurais que je ne lui causerais jamais d’ennui pour cela.

Il se leva cérémonieusement, et m’adressa ses remerciements en des termes qui me disaient assez qu’il avait été élevé parmi des personnes plus polies et plus courtoises que, suivant l’opinion commune, ne le sont d’ordinaire les Hollandais. Lorsque mon compliment fut achevé, il se rapprocha de moi et me dit qu’il était forcé, tout en me remerciant à plusieurs reprises de mon offre obligeante, de m’assurer qu’il n’avait aucun besoin d’argent, et qu’il n’avait éprouvé aucune gêne dans aucune de ses affaires, non, dans aucune, de n’importe quel genre, si ce n’est la