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comme on l’a vu plus haut ; qu’il l’avait fait condamner à de bons dommages, mais que le coquin n’était pas en état de lui faire une réparation convenable. Il m’avait dit aussi, ce que j’ai déjà raconté, comment le gentilhomme du prince d’*** avait vengé l’insulte faite à son maître, et fait traiter le Juif sur le Pont-Neuf, etc., et j’en avais ri de tout mon cœur.

« Il serait regrettable, lui dis-je à ce propos, que je fusse ici tranquille et ne donnasse à ce gentilhomme aucun dédommagement. Si vous vouliez m’en indiquer le moyen, monsieur, je désirerais lui faire un honnête présent et reconnaître le juste service qu’il m’a rendu ainsi qu’à son maître. »

Il me répondit qu’il ferait en cela ce que je commanderais. Je lui dis donc que je voulais lui envoyer cinq cents couronnes.

« C’est trop, fit-il remarquer ; car vous n’êtes intéressée que pour moitié dans le traitement infligé au Juif ; c’est pour le compte de son maître qu’il l’a corrigé, et non pour le vôtre. »

Aussi bien, nous fûmes finalement obligés de ne rien faire du tout, car nous ne savions ni l’un ni l’autre comment lui adresser une lettre, ni comment lui envoyer quelqu’un. Je dis donc que je laisserais cela jusqu’à ce que je fusse en Angleterre, parce que ma femme de chambre, Amy, était en correspondance avec lui, et qu’il lui avait fait la cour.

« Mais, monsieur, ajoutai-je, si, pour m’acquitter du généreux intérêt qu’il m’a témoigné, je me fais un devoir de songer à lui, il n’est que juste que les dépenses auxquelles vous avez été contraint, lesquelles étaient toutes pour moi, vous soient remboursées ; par conséquent, voyons… »

Ici je fis une pause, et je me mis à établir la somme de ce que j’avais remarqué dans ses discours qu’il lui en avait coûté pour ses différents débats et audiences au sujet de ce chien de Juif, et j’arrivai à un total d’un peu plus de 2,130 couronnes. Alors je tirai quelques lettres de change que j’avais sur un marchand d’Amsterdam et un compte de banque particulier, que j’examinai afin de les lui donner.

Lorsqu’il vit clairement ce que j’allais faire, il m’arrêta avec quelque chaleur, en me disant qu’il ne voulait rien de moi pour cela, et qu’il désirait que je ne dérangeasse pas mes lettres de