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pouvions le désirer. Ces occasions ne sont pas les agents les moins puissants sur les esprits vicieux pour faire arriver ce dont ils n’avaient même pas l’intention tout d’abord.

Quoi qu’il en soit, et tout en faisant sa cour avec la plus grande réserve, ses visées étaient très honorables. De même que j’avais auparavant trouvé en lui un ami absolument désintéressé et parfaitement honnête dans ses transactions, même lorsque je lui avais confié tout ce que je possédais, ainsi je le trouvai maintenant rigoureusement vertueux, jusqu’à ce que je l’eusse moi-même rendu autrement presque malgré lui, comme vous allez l’apprendre.

Il n’attendit pas longtemps après notre première conversation pour répéter ce qu’il avait déjà insinué, à savoir qu’il avait un projet à me soumettre, lequel, si je consentais à ses propositions, ferait plus que de balancer tout compte entre nous. Je lui dis que raisonnablement je ne pouvais lui refuser rien, et que, à l’exception d’une chose à laquelle j’espérais et croyais qu’il ne songeait pas, je me considérerais comme très ingrate si je ne faisais pour lui tout ce qui était en mon pouvoir.

Il me répondit que ce qu’il désirait de moi, il était parfaitement en mon pouvoir de l’accorder, ou autrement il ne siérait guère à un ami de le proposer. Néanmoins il refusa obstinément de faire cette proposition, comme il l’appelait ; et, pour cette fois, notre conversation en resta là sur ce sujet. Nous parlâmes d’autre chose ; si bien, qu’en somme, je me pris à penser qu’il pouvait avoir éprouvé quelque désastre dans ses affaires et être venu de Paris après avoir perdu de son crédit, ou que ses intérêts avaient reçu un coup quelconque ; et comme je lui voulais réellement assez de bien pour sacrifier une bonne somme à lui venir en aide, ce que d’ailleurs la gratitude m’obligeait à faire, puisqu’il m’avait si efficacement conservé tout ce que j’avais, je résolus de lui en faire l’offre la première fois que j’en aurais l’occasion. À ma grande satisfaction, elle se présenta deux ou trois jours après.

Il m’avait raconté en détail, bien qu’en plusieurs fois, les procédés qu’il avait eu à souffrir de la part du Juif, et quels frais cela lui avait occasionnés ; comment, à la fin, il avait eu raison de lui,