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J’ajoutai :

« Je suis heureuse de vous voir ici, pour être à même de réfléchir au moyen de balancer un compte où je me trouve si fort votre débitrice.

» — Nous arrangerons cela facilement, vous et moi, maintenant que nous sommes si près l’un de l’autre, répondit-il. Où demeurez-vous, je vous prie ?

» — Dans une bonne maison, très honnête, où ce gentleman, votre ami, m’a recommandée, répondis-je en désignant le marchand chez lequel nous étions.

» — Et où vous pouvez vous loger également, monsieur, reprit celui-ci, pourvu que cela s’accorde avec vos affaires et soit d’ailleurs à votre convenance.

» — De tout mon cœur, dit-il. Alors, madame, ajouta-t-il en se tournant vers moi, je serai votre voisin, et j’aurai le temps de vous raconter une histoire qui sera très longue, mais, de bien des manières, très agréable pour vous ; c’est combien ce diabolique Juif m’a tourmenté à votre propos, et quel infernal piège il vous avait tendu, au cas où il aurait pu vous trouver.

» — J’aurai aussi le loisir, monsieur, de vous dire toutes mes aventures depuis ce temps-là ; elles n’ont pas été en petit nombre, je vous assure. »

Bref, il prit logement dans la même maison où je demeurais. Suivant son désir, la chambre où il couchait s’ouvrait juste en face de la mienne, de sorte que nous pouvions presque nous parler de notre lit. Je n’eus aucun ombrage à ce propos, car je le croyais parfaitement honnête, et il l’était réellement ; mais ne l’eût-il pas été, cet article ne faisait point alors partie de mes préoccupations.

Ce ne fut qu’au bout de deux ou trois jours, et après que la première presse de ses affaires fut passée, que nous commençâmes à nous faire le récit de ce qui nous était arrivé des deux côtés ; mais une fois que nous eûmes commencé, cela occupa toutes nos conversations pendant près d’une quinzaine. D’abord, je lui rendis compte en détail de tout ce qui s’était passé d’important pendant notre traversée ; comment nous avions été poussés dans Harwich par une fort terrible tempête ; comment