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que je n’aie été ? Bien plus, je suis coupable à la fois et de mon propre péché et du tien. — Puis il me revint à la mémoire que non seulement j’avais été comme Amy, mais que j’avais été l’instrument du diable pour la rendre vicieuse ; que je l’avais mise nue, et prostituée précisément à l’homme avec lequel je me conduisais comme une éhontée ; qu’elle n’avait fait que me suivre ; que j’avais été son mauvais exemple ; que je l’avais dirigée en tout, et que, comme nous avions péché ensemble, il était probable que nous allions maintenant périr ensemble.

Tout cela se représentait à mon esprit en ce moment même, et chacun des cris d’Amy résonnait ainsi dans mes oreilles : C’est moi qui suis la cause criminelle de tout cela ! J’ai été ta ruine, Amy ! c’est moi qui t’ai amenée jusqu’ici, et maintenant il faut que tu souffres pour le péché dans lequel je t’ai attirée ! Et si tu es perdue à jamais, moi, que dois-je être ? Quel doit être mon lot ?

Il est vrai qu’il y avait cette différence entre nous que je disais toutes ces choses au dedans de moi, et que je soupirais et me désolais intérieurement ; tandis qu’Amy, dont la nature était plus violente, parlait haut, criait, et appelait comme quelqu’un dans l’agonie du désespoir.

Je n’avais que peu d’encouragement à lui donner, et vraiment je ne pouvais pas lui dire grand’chose ; cependant j’obtins qu’elle se maîtrisât un peu et ne laissât pas comprendre à tous les gens du navire ce qu’elle voulait dire ou ce qu’elle disait. Mais même quand elle se retenait le plus, elle continuait à s’exprimer dans les termes les plus extrêmes de l’épouvante et de la terreur sur la vie criminelle qu’elle avait menée, criant qu’elle serait damnée et autres choses semblables ; ce qui était tout à fait terrible pour moi, qui savais dans quelle condition je me trouvais moi-même.

Devant ces sérieuses considérations, je me sentais aussi très pénitente pour mes péchés passés, et je m’écriai deux ou trois fois, mais tout bas cependant :

« Seigneur, prenez pitié de moi ! »

J’y ajoutai quantité de résolutions sur la vie que je mènerais s’il plaisait à Dieu d’épargner mes jours cette fois seulement :