Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.

allée par la rivière Tamise, de Londres en France, comme je l’ai dit. Mais je commençai à m’alarmer un peu de la terrible clameur des hommes au-dessus de moi, car je ne m’étais jamais trouvée dans une tempête, et n’avais, par conséquent, jamais vu ni entendu rien de pareil. Ayant voulu une fois regarder à la porte de la chambre de l’avant, comme ils disent, je fus frappée d’horreur : l’obscurité, la violence du vent, l’épouvantable hauteur des vagues et la confusion où étaient les matelots hollandais, du langage desquels je ne comprenais pas un mot, ni dans leurs blasphémes ni dans leurs prières, — toutes ces choses, dis-je, me remplirent de terreur ; et je commençai, pour n’en pas dire plus, à être fort effrayée.

Lorsque je fus revenue dans la grande cabine, Amy y était assise, très souffrante du mal de mer ; je lui avais, un peu auparavant, donné un petit coup d’eau cordiale pour lui soutenir l’estomac. Quand Amy me vit revenir et m’asseoir sans parler, car c’est ce que je fis, elle leva deux ou trois fois les yeux sur moi. À la fin elle vint à moi en courant :

« Chère madame, s’écria-t-elle, qu’y a-t-il ? Pourquoi êtes-vous si pâle ? Quoi ! Vous n’êtes pas bien. Qu’y a-t-il ? »

Je ne parlai toujours pas, mais je levai les mains deux ou trois fois. Amy redoubla ses instances. À quoi je ne répondis que ces mots :

« Allez à la porte de l’avant, et regardez, comme je l’ai fait. »

Elle y alla immédiatement, et regarda, comme je lui avais recommandé ; mais la pauvre fille revint dans le plus grand effarement et la plus grande horreur où j’aie jamais vu une misérable créature, se tordant les mains et criant qu’elle était morte ! qu’elle était morte ! qu’elle allait être noyée ! que tout le monde était perdu ! Elle courait ainsi à travers la cabine comme une folle, et aussi complètement hors de ses sens qu’il est possible de s’imaginer qu’on puisse l’être en un tel cas. J’étais effrayée moi-même ; mais lorsque je vis cette fille dans une si terrible angoisse, cela me rappela un peu à moi ; je me mis à lui parler et à lui donner quelque espoir. Je lui dis qu’il y avait bien des vaisseaux qui ne faisaient -