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distinguée, tante de mon mari par alliance, veuve, et la moins à l’aise de toute ma parenté, me pria de m’asseoir, me donna à dîner, et me ranima en me traitant avec plus de bienveillance que tous les autres ; elle ajouta seulement cette mélancolique réflexion qu’elle m’aurait bien secourue, mais qu’en vérité elle ne le pouvait pas, ce que, d’ailleurs, je savais être parfaitement vrai.

Chez elle, je me livrai au soulagement des affligés, je veux dire les larmes ; car, en lui racontant comment j’avais été reçue par les autres parents de mon mari, ce récit me fit fondre en larmes, et je pleurai longtemps avec violence, tant que je fis aussi pleurer la bonne vieille dame à plusieurs reprises.

Cependant, après toutes mes visites, je revins à la maison sans aucun secours, et j’y restai jusqu’à ce que je fusse réduite à une misère qui défie toute description. J’étais retournée plusieurs fois chez la vieille tante, et je l’avais amenée à me promettre d’aller parler aux autres parents, pour persuader quelqu’un d’entre eux, si c’était possible, de prendre au moins les enfants, ou de contribuer pour quelque chose à leur entretien. Je dois lui rendre cette justice qu’elle fit tous ses efforts auprès d’eux ; mais tout fut inutile, ils ne voulurent rien faire, du moins de ce côté-là. Je crois, qu’après bien des sollicitations, elle obtint, par une sorte de collecte faite entre eux tous, environ onze ou douze shillings : ce fut, sans doute, un soulagement momentané, mais ce n’était pas cela, il est inutile de le dire, qui pouvait me délivrer d’une partie quelconque du fardeau qui pesait sur moi.

Il y avait une pauvre femme qui avait été une sorte de cliente de notre famille, et pour laquelle j’avais, entre tous nos autres parents, eu souvent beaucoup de bontés. Ma servante me mit en tête un matin d’envoyer parler à cette pauvre femme et de voir si elle ne pourrait pas m’aider dans mon épouvantable situation.

Il faut que je rappelle ici, à la louange de cette pauvre fille, ma servante, que, bien que je ne pusse plus lui donner de gages, comme je le lui avais déclaré, et que je ne pusse même pas lui en payer l’arriéré, elle ne voulut pas me quitter. Il y a plus : tant qu’elle eut quelque argent, lorsque je n’en avais pas, elle voulut m’aider du sien. J’ai reconnu son attachement et sa