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de vous faire confesser quels ont été les meurtriers de votre mari.

» — Confesser, m’écriai-je. Comment puis-je confesser ce dont je ne sais rien ?

» — S’ils vous tiennent une fois sur le chevalet, reprit-il, il vous feront confesser que c’est vous-même qui l’avez fait, que vous l’ayez fait ou non ; et dès lors, vous êtes perdue. »

À ce seul mot de chevalet, je pensai mourir d’épouvante ; je n’avais plus un souffle de courage en moi.

« Que c’est moi qui l’ai fait ? répétai-je. C’est impossible.

» — Non, madame ; il s’en faut que ce soit impossible. Les plus innocentes gens du monde ont été forcés de se confesser coupables de choses dont ils n’avaient jamais entendu parler, loin d’y avoir trempé les mains.

» — Que dois-je donc faire ? Que me conseillez-vous ?

» — Eh bien ! dit-il, je vous conseillerais de vous en aller. Vous aviez l’intention de partir dans quatre ou cinq jours ; vous pourriez aussi bien le faire dans deux. Si vous le pouvez, je m’arrangerai de telle sorte qu’il restera plusieurs jours sans soupçonner votre départ. »

Il me raconta ensuite comment le coquin voulait me faire dire d’apporter les joyaux le lendemain pour les vendre, et qu’alors il m’aurait fait appréhender ; et comment il avait, lui, le marchand, fait croire au Juif qu’il s’associerait à lui dans ses plans, et mettrait les joyaux entre ses mains. Il poursuivit :

« Maintenant je vais vous donner, pour la somme que vous désirez, des lettres de change, immédiatement, et telles qu’elles ne manqueront pas d’être payées. Prenez vos joyaux avec vous, et allez ce soir même à Saint-Germain-en-Laye. J’y enverrai avec vous un homme qui, de là, vous guidera demain jusqu’à Rouen, où se trouve un navire à moi, prêt à appareiller pour Rotterdam. Vous aurez votre passage à mon compte sur ce navire ; j’enverrai des ordres pour qu’il mette à la voile dès que vous serez à bord, et j’écrirai à mon ami de Rotterdam de vous recevoir et de prendre soin de vous. »

C’était, dans l’état des choses, une offre trop obligeante pour ne pas être acceptée avec reconnaissance. Quant au voyage,