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« Non, dit alors celui-ci ; j’irai plus loin que cela avec elle : je la prierai de me laisser les joyaux pour les montrer à une autre personne, afin d’en avoir le meilleur prix possible.

» — C’est bien, répondit le Juif, et je garantis qu’elle ne les aura plus jamais en sa possession. Ou bien nous nous en saisirons au nom du roi, ou bien elle sera heureuse de vous les abandonner pour éviter d’être mise à la torture. »

Le marchand dit oui à tout ce qu’il proposait, et ils convinrent de se retrouver pour cette affaire le lendemain matin. On devait me persuader de lui laisser les joyaux et de revenir le jour suivant à quatre heures afin de conclure un bon marché. C’est sur ces conventions qu’ils se séparèrent. Mais l’honnête Hollandais, plein d’indignation devant ce dessein barbare, vint droit à moi et me raconta toute l’histoire.

« Et maintenant, madame, ajouta-t-il, il faut que vous considériez sur-le-champ ce que vous avez à faire. »

Je lui dis que si j’étais sûre d’avoir justice, je ne craindrais pas tout ce qu’un semblable coquin pourrait me faire ; mais j’ignorais comment les choses se passaient en France en pareil cas. La plus grande difficulté serait de prouver notre mariage, car il avait eu lieu en Angleterre, et même dans une partie reculée de l’Angleterre ; et le pire était qu’il serait peu commode d’en produire des témoignages authentiques, parce que nous nous étions mariés secrètement.

« Mais la mort de votre mari, madame, reprit-il, qu’est-ce qu’on peut en dire ?

» — Eh ! oui, qu’est-ce qu’on peut en dire ? En Angleterre, si l’on faisait une telle injure à quelqu’un, on devrait prouver le fait, ou donner une bonne raison pour les soupçons. Que mon mari ait été assassiné, tout le monde le sait ; mais qu’on l’ait volé, et quoi, et combien, c’est ce que personne ne sait, non, pas même moi. Et pourquoi ne m’a-t-on pas questionnée là-dessus à l’époque ? J’ai toujours habité Paris depuis, je l’ai habité publiquement, et pas un homme n’a encore eu l’impudence de suggérer pareille chose sur mon compte.

» — J’en suis parfaitement convaincu, dit le marchand. Mais comme c’est un coquin que rien n’arrêtera, que pourrons-