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tranquille, lui dis-je, qu’il ne m’eût appris ce que tout ceci signifiait.

« Eh bien ! madame, dit le marchand hollandais, en deux mots, cela signifie une chose dont je suis étonné, moi aussi. Cet homme est un Juif, et il se connaît parfaitement bien en bijoux ; c’est la raison pour laquelle je l’ai envoyé chercher, afin de lui céder les vôtres. Mais en les voyant, il les a très nettement reconnus du premier coup ; et, dans un emportement de colère, comme vous l’avez vu, il m’a dit, en résumé, que c’était identiquement la même collection de joyaux qu’avait sur lui le joaillier anglais qui fut volé en allant à Versailles, il y a environ huit ans, pour les montrer au prince de ***, et que c’étaient ces joyaux-là qui avaient été la cause de l’assassinat de ce pauvre homme ; et il s’agite ainsi pour me faire vous demander comment vous en avez la possession. Il dit que vous devriez être accusée de vol et de meurtre, et mise à la question pour faire découvrir quelles sont les gens qui ont commis l’acte, afin de les traduire en justice. »

Pendant qu’il disait cela, le Juif rentra imprudemment dans la chambre sans s’annoncer, ce qui me causa de nouveau un certain étonnement.

Le marchand hollandais parlait un assez bon anglais, et il savait que le Juif ne comprenait pas l’anglais du tout ; aussi, lorsque celui-ci entra dans la chambre, me dit-il les derniers mots en anglais. Ils me firent sourire, ce qui jeta le Juif dans un nouvel accès de fureur. Secouant la tête et recommençant ses grimaces de diable, il semblait me menacer pour avoir ri, disant en français que c’était une affaire dans laquelle je n’avais guère motif de rire, et autres choses semblables. Là-dessus, je ris de plus belle et le persifflai, lui laissant voir mon mépris ; puis, me tournant vers le marchand hollandais :

« Monsieur, dis-je, en avançant que ces joyaux appartenaient à M. ***, le joaillier anglais (je le nommai par son nom sans hésiter), cet individu a raison ; mais que je doive être interrogée sur la manière dont j’en ai la possession, c’est là une preuve de son ignorance, qu’il aurait pu, d’ailleurs, s’il avait un peu plus de savoir vivre, dissimuler jusqu’à ce que je lui eusse dit qui je suis.