Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en colère, mais véritablement furieux. Puis il se retournait et me jetait un coup d’œil qui le faisait ressembler au diable. Je crois que je n’ai jamais vu de ma vie rien de si effrayant.

À la fin, je plaçai un mot.

« Monsieur, dis-je au marchand hollandais, qu’a tout ce discours de commun avec mon affaire ? À propos de quoi ce monsieur se met-il dans toute cette colère ? Je désire, s’il doit traiter avec moi, qu’il parle de façon à ce que je puisse l’entendre ; ou si vous avez entre vous des affaires particulières qui doivent se faire d’abord, laissez-moi me retirer, et je reviendrai quand vous serez de loisir.

» — Non, non, madame, dit le Hollandais d’un ton plein de bonté ; il ne faut pas que vous vous en alliez. Toute notre conversation roule sur vous et vos bijoux, et vous la connaîtrez tout à l’heure. Cela vous touche de très près, je vous assure.

» — Me touche de très près ! qu’est-ce qui peut me toucher d’assez près pour jeter ce monsieur dans de telles extrémités de désespoir, et qu’est-ce qui l’oblige à me lancer des regards de diable, comme il le fait ? Voyez, il a l’air de vouloir me dévorer. »

Le Juif me comprit sur-le-champ, et continuant dans une sorte de rage, il dit en français :

« Oui, madame, cela vous touche de près, de très près, de très près, » répétant les mots et secouant la tête. Puis se tournant vers le Hollandais :

« Monsieur, dit-il, veuillez lui dire ce qu’il en est.

» — Non, dit le marchand, pas encore ; causons-en encore un peu entre nous. »

Sur quoi ils se retirèrent dans une autre chambre, où ils continuèrent à parler très haut, mais dans une langue que je ne comprenais pas. Je commençais à être un peu étonnée de ce que le Juif avait dit, vous pouvez le croire, et fort désireuse de savoir ce qu’il voulait dire. Je restai dans une grande impatience jusqu’à ce que le marchand hollandais fût revenu, dans une impatience si grande que j’appelai un de ses domestiques pour lui faire savoir que je désirais lui parler. Quand il entra, je lui demandai pardon d’être si impatiente, mais je ne saurais être