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« Est-il donc bien vrai que vous me persuadiez de vous quitter ? Voudriez-vous me faire croire que vous êtes sincère ? »

Je le regardai en face, et, souriant :

« Non pas pour aucune autre favorite, monseigneur, lui dis-je. Cela me briserait le cœur. Mais pour Madame la princesse !… »

Et je n’en pus dire davantage ; les larmes arrivèrent, et je restai muette un moment.

« Eh bien ! dit-il, si jamais je vous quitte, ce sera dans l’intérêt de la vertu, ce sera pour la princesse. Je vous assure que ce ne sera pas pour une autre femme.

» — C’est assez, monseigneur, repris-je. Ici je dois me soumettre ; et, puisque je suis assurée que ce ne sera pas pour une autre maîtresse, je promets à Votre Altesse que je ne me lamenterai pas ; ou, si je le fais, ma douleur sera silencieuse ; elle n’interrompra pas votre félicité. »

Dans tout cela, je ne savais ce que je disais, et je disais ce que je n’étais pas capable de faire, non plus qu’il n’était capable de me quitter, comme il me l’avoua à ce moment là ; non, pas même pour la princesse.

Mais un changement survint dans le tour des affaires, qui disposa de cette question. La princesse tomba très malade, et même, de l’opinion de tous ses médecins, très dangereusement. Dans sa maladie, elle désira s’entretenir avec son époux et lui faire ses adieux. À cette dernière et douloureuse entrevue, elle lui dit les choses les plus passionnées et les plus tendres ; déplora de ne pas lui laisser d’enfants (elle en avait eu trois, mais ils étaient morts) ; lui fit entendre qu’une des principales choses qui lui donnaient de la satisfaction en mourant, en ce qui regardait ce monde, c’était qu’elle lui laissait la possibilité d’avoir des héritiers de son nom, grâce à quelque princesse qui remplacerait ; en toute humilité, mais avec une ardeur chrétienne, elle lui recommanda d’agir suivant la justice vis-à-vis de cette princesse, quelle qu’elle fût, comme il s’attendrait, à coup sûr, à la voir agir avec justice vis-à-vis de lui ; c’est-à-dire de s’en tenir à elle seule, suivant la clause la plus solennelle de l’engagement du mariage. Humblement, elle demanda le pardon de Son Altesse, si elle l’avait en quelque chose offensée, appe-