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tourbillonné dans ma tête pendant les quelques moments — car ils furent courts — que je restai en suspens. J’avais été, je le répète, véritablement frappée d’étonnement, et il se peut que je sois devenue pâle ; mais je ne fus, que je sache, nullement en danger de m’évanouir.

Quoi qu’il en soit, je ne fus pas peu contente de le voir si inquiet et anxieux à mon sujet. Lorsqu’il me porta le cordial à la bouche, je fis une courte pause, et prenant le verre dans ma main :

« Monseigneur, dis-je, vos paroles sont pour moi un cordial infiniment plus puissant que cette citronnade ; car, de même que rien ne peut me causer plus d’affliction que de vous perdre, rien ne peut me causer de satisfaction plus grande que l’assurance que je n’aurai pas ce malheur. »

Il me fit asseoir, s’assit près de moi, et, après m’avoir dit mille choses tendres, il ajouta avec un sourire :

« Eh bien ! voulez-vous vous risquer en Italie avec moi ? »

Je gardai un instant le silence, puis je répondis que je m’étonnais qu’il me posât cette question, car j’irais n’importe où dans le monde, à travers le monde tout entier, partout où il le désirerait et où il me donnerait la joie de sa compagnie.

Il entra alors dans un long détail de la cause de son voyage, me disant comment le roi l’avait engagé à aller là-bas, et d’autres circonstances qu’il n’est pas convenable de rapporter ici ; car il serait hautement inconvenant de dire rien qui pût conduire le lecteur à deviner le moins du monde le personnage.

Mais pour abréger cette partie du récit et l’histoire de notre voyage et de notre séjour à l’étranger, lequel, je peux le dire, remplirait presque un volume à lui seul, nous passâmes toute cette soirée à nous consulter joyeusement sur la façon dont nous voyagerions, sur notre équipage, le train qu’il mènerait, et la manière dont j’irais.

On proposa différents moyens, mais nul ne paraissait pratique ; à la fin, je lui dis que je croyais que ce serait si gênant, si coûteux et si public, que ce serait à bien des égards un ennui pour lui ; et, bien que ce fût pour moi une sorte de mort que