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commission de lieutenant en particulier, elle comprit qu’il n’y avait rien de vrai du tout ; mais on lui raconta comment il avait souvent fait usage de cette imposture pour emprunter de l’argent et amener les gens à avoir pitié de lui et à lui en prêter ; il prétendait qu’il avait en Angleterre une femme et cinq enfants, qu’il entretenait sur sa solde ; par ces stratagèmes, il avait fait des dettes en différents endroits, et après plusieurs plaintes pour des faits de ce genre, on l’avait menacé de le renvoyer des gens d’armes ; bref, il ne fallait le croire en rien de ce qu’il disait, ni avoir confiance en lui à aucun point de vue.

Sur ces renseignements, le désir qu’avait Amy de pousser plus avant ses relations avec lui commença à se refroidir ; elle me dit qu’il n’était pas sûr pour moi d’essayer de lui faire du bien, à moins de vouloir le mettre sur la voie de soupçons et de recherches qui pourraient être ma ruine, dans la condition où je me trouvais maintenant.

Ce côté de son caractère ne tarda pas à m’être confirmé ; car la prochaine fois qu’Amy alla causer avec lui, il se découvrit davantage. Comme elle lui donnait l’espérance de lui procurer quelqu’un qui lui avancerait l’argent de la lieutenance à des conditions faciles, il laissa insensiblement tomber le sujet, prétendit qu’il était trop tard, qu’il ne pourrait plus l’avoir, et descendit jusqu’à demander à la pauvre Amy de lui prêter cinq cents pistoles.

Amy s’excusa sur sa pauvreté ; ses ressources n’étaient que minces, dit-elle, et elle ne pourrait trouver une telle somme. — Ce qu’elle en faisait, c’était pour l’éprouver jusqu’au bout. Il descendit à trois cents, puis à cent, puis à cinquante, et enfin à une pistole, qu’elle lui prêta ; et comptant bien ne jamais la rendre, il évita dès lors le plus possible de se faire voir d’elle.

Convaincue ainsi qu’il était le même être sans valeur qu’il avait toujours été, je cessai tout à fait de penser à lui. Au contraire, s’il avait été un homme doué de quelque sens, de quelque principe d’honneur, j’avais l’idée de me retirer en Angleterre, de l’y faire venir et de vivre honnêtement avec lui. Mais de même qu’un sot est le pire des maris pour faire du bien à une femme, de même un sot est le pire des maris à qui une femme