Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ceci m’amène à parler de cet Opéra Populaire, préoccupation récente, dont la réalisation présente les plus sérieuses difficultés… À la grande rigueur, on peut improviser un comédien, l’ancien Théâtre Libre en est un exemple véridique ; il n’existe pas encore de moyens suggestifs assez puissants pour enjoindre au premier passant venu de jouer de la contrebasse. Sans en avoir l’air, ce petit fait a une extrême importance !… Pour un Opéra, il faut un orchestre ; où le trouvera-t-on ? Il faut des chanteurs, des choristes, etc. Que va-t-on jouer ? Des œuvres de l’ancien répertoire, comme chez le voisin, quelque vieille Juive ou la poussiéreuse Muette de Portici ?

Eh bien, si l’on veut, pendant un instant, ne pas croire à un voyage en Utopie, il y a moyen de tout concilier en réunissant le Théâtre Populaire à l’Opéra Populaire, et cela en revenant, ainsi que je l’écrivais plus haut, à la formule théâtrale des anciens Grecs. Retrouvons la Tragédie, en augmentant son décor musical primitif des ressources infinies de l’orchestre moderne et d’un chœur aux innombrables voix ; sans oublier non plus ce qu’on pourra tirer d’effet total de la Pantomime et de la Danse, en en développant le jeu lumineux à l’extrême, c’est-à-dire à la mesure d’une foule. Pour cela, on trouverait de précieux renseignements dans les divertissements que donnent les princes javanais, où la séduction impérieuse du langage sans pa-