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C’est d’autant plus tangible que le reste de l’exécution marche d’un pas pénible et lourd. On dirait que l’on fait supporter à Bach le poids des siècles accumulés sur son œuvre par cette manière empesée dont on l’interprète.

Pourtant, ce concerto est une chose admirable parmi tant d’autres déjà inscrites dans les cahiers du grand Bach ; on y retrouve presque intacte cette « arabesque musicale » ou plutôt ce principe de « l’ornement » qui est la base de tous les modes d’art. (Le mot « ornement » n’a rien à voir ici avec la signification qu’on lui donne dans les grammaires musicales.)

Les primitifs, Palestrina, Vittoria, Orlando di Lasso, etc…, se servirent de cette divine « arabesque ». Ils en trouvèrent le principe dans le chant grégorien et en étayèrent les frêles entrelacs par de résistants contrepoints. Bach en reprenant l’arabesque la rendit plus souple, plus fluide, et, malgré la sévère discipline qu’imposait ce grand maître à la Beauté, elle put se mouvoir avec cette libre fantaisie toujours renouvelée qui étonne encore à notre époque.

Dans la musique de Bach, ce n’est pas le caractère de la mélodie qui émeut, c’est sa courbe ; plus souvent même, c’est le mouvement parallèle de plusieurs lignes dont la rencontre, soit fortuite, soit unanime, sollicite l’émotion. À cette conception ornementale, la musique qu’acquiert la sûreté d’un