assez aimé Saint-Saëns pour lui dire qu’il avait assez fait de musique et qu’il ferait mieux de parfaire sa tardive vocation d’explorateur ? » M. Croche fut sollicité par un autre cigare et me dit en manière d’adieu : « Pardon, monsieur, mais je ne voudrais pas gâter celui-ci… »
Comme j’avais beaucoup dépassé ma maison, je m’en retournai, songeant à l’impartialité grondeuse de M. Croche. À tout prendre, elle contenait un peu du dépit que nous donnent les personnes que l’on a beaucoup aimées jadis et desquelles le moindre changement équivaut à une trahison. J’essayai aussi de me figurer M. Saint-Saëns le soir de la première représentation des Barbares, se souvenant, à travers les applaudissements saluant son nom, du bruit des sifflets qui accueillirent la première audition de sa Danse macabre et j’aimais à croire que ce souvenir ne lui déplaisait pas.
Puis je songeai à des années déjà lointaines.
La meilleure impression que je reçus du prix de Rome fut indépendante de celui-ci… C’était sur le pont des Arts où j’attendais le résultat du concours en contemplant l’évolution charmante des bateaux-mouches sur la Seine. J’étais sans fièvre, ayant oublié toute émotion trop spécialement romaine, tellement la jolie lumière du soleil jouant à travers les courbes de l’eau avait ce charme attirant qui retient sur les ponts, pendant de longues