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combattre pendant un instant, juste ce qu’il fallait pour conquérir leur place sur le marché ; mais une fois la vente de leurs produits assurée, vivement ils rétrogradent, semblant demander pardon au public de la peine que celui-ci avait eue à les admettre. Tournant résolument le dos à leur jeunesse, ils croupissent dans le succès sans plus jamais pouvoir s’élever jusqu’à cette gloire heureusement réservée à ceux dont la vie, consacrée à la recherche d’un monde de sensations et de formes incessamment renouvelé, s’est terminée dans la croyance joyeuse d’avoir accompli la vraie tâche ; ceux-là ont eu ce qu’on pourrait appeler un succès de « Dernière », si le mot « succès » ne devenait pas vil mis à côté du mot « gloire ».

» Enfin, pour m’appuyer sur un récent exemple, j’ai peine à voir combien il est difficile de conserver le respect à un artiste qui, lui aussi, fut plein d’enthousiasme et chercheur de gloire pure… J’ai horreur de la sentimentalité, monsieur ! Mais j’aimerais ne pas me souvenir qu’il s’appelle Camille Saint-Saëns ! »

Je répliquai simplement : « Monsieur, j’ai entendu les Barbares. »

Il reprit avec une émotion que je ne lui soupçonnais pas : « Comment est-il possible de s’égarer aussi complètement ? M. Saint-Saëns est l’homme qui sait le mieux la musique du monde entier.