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elles sont plus exactement, surtout les dernières, des transcriptions d’orchestre ; il manque souvent une troisième main que Beethoven entendait certainement, du moins je l’espère. Il valait mieux laisser Schumann et Chopin tranquilles : ceux-là écrivirent réellement pour le piano et, si cela paraît mince à M. P. Lalo, il peut au moins leur être reconnaissant d’avoir préparé la perfection que représentent un Dukas… et quelques autres. »

Ces derniers mots furent exprimés par M. Croche avec une imperturbable froideur : c’était à prendre ou à jeter par les fenêtres. J’étais trop intéressé et le laissai continuer, après un long silence pendant lequel il parut ne plus vivre que par la fumée de son cigare, dont curieusement il regardait monter la spirale bleue, semblant y contempler de curieuses déformations… peut-être d’audacieux systèmes… Son silence interloquait et effrayait un peu… Il reprit : « La musique est un total de forces éparses… On en fait une chanson spéculative ! J’aime mieux les quelques notes de la flûte d’un berger égyptien, il collabore au paysage et entend des harmonies ignorées de vos traités… Les musiciens n’écoutent que la musique écrite par des mains adroites ; jamais celle qui est inscrite dans la nature. Voir le jour se lever est plus utile que d’entendre la Symphonie Pastorale. À quoi bon votre art presque incompréhensible ? Ne devriez-