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du désarroi général pour venir montrer à Vita son nouveau galon et lui offrir un bracelet en argent fin. Ce douanier abuse du droit de l’égoïsme et Vita lui prouve, par son silence, combien il est insupportable. Il s’en va sans honte et l’Étranger survient, ramené par le danger, ordonne d’amener un canot, et va partir seul, personne ne voulant se dévouer avec lui. Vita s’élance, et dans un des plus beaux cris que l’amour ait jamais jeté, elle accompagne l’Étranger. Ils s’embarquent, disparaissent parmi la furie des lames, qu’ils n’ont plus le pouvoir de calmer. Un vieux marin suit leur lutte des yeux. Puis tout à coup, la corde qui les maintenait au rivage se rompt. Le vieux marin ôte son bonnet, en prononçant les paroles du De Profundis. Ces deux âmes ont trouvé le repos dans la mort qui, seule, eut pitié de leur impossible amour.

Libre celui qui cherchera d’insondables symboles dans cette action. J’aime à y voir une humanité que Vincent d’Indy n’a revêtue de symbole que pour rendre plus profond cet éternel divorce entre la Beauté et la vulgarité des foules.

Sans m’attarder à des questions de technique, je veux rendre hommage à la sereine bonté qui plane sur cette œuvre, à l’effort de volonté à éviter toute complication et surtout à la hardiesse tranquille de Vincent d’Indy a aller plus loin que lui-même.