Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il n’est pas question que Siegfried ignore ce qu’il y a d’infranchissable pour lui dans l’œuvre de son père, mais le fait qu’il ait passé outre contient un sentiment où la plus enfantine des vanités se complique du désir d’honorer une chère mémoire par un travail dédicatoire. Il était d’autre part difficile d’échapper à l’atmosphère ensorcelante de Bayreuth et de ne pas essayer de boire le fond de la coupe du vieux magicien ; il n’est malheureusement resté que la lie du breuvage magique, et ça ne sent plus que le vinaigre. Ces réflexions me sont venues en écoutant les fragments du Duc Wildfang, comédie musicale en trois actes de S. Wagner. C’est de la musique honorable, sans plus ; quelque chose comme un devoir d’écolier qui aurait étudié chez R. Wagner, mais dont ce dernier ne se serait pas beaucoup inquiété.

M. S. Wagner, en jouant la Siegfried-Idyll, qu’il dirige fort bien du reste, aurait dû peut-être écouter le conseil persuasif de l’amour maternel qui monte doucement de cette œuvre. Elle lui conseillait d’aller libre et joyeux dans la vie, d’ignorer le souci et le désir décevant de la gloire. Elle murmurait son nom et l’entourait d’une lumière qui ne devait plus s’éteindre. Pourquoi a-t-il aspiré à des clartés nouvelles qui resteront douteuses et lui laisseront, malgré tout, le seul titre du fils de Richard Wagner, le seul enviable à mon avis ?