du christianisme que dans les sociétés qui ne sont plus chrétiennes. La vue d’une croix étonne et frappe en un pays protestant : ailleurs à peine excite-t-elle l’attention de la piété.
La situation présente de l’Europe diffère tellement de tout ce qu’on avoit encore vu, que les meilleurs esprits, faute d’un terme de comparaison, s’abusent quelquefois d’une manière étrange dans les jugements qu’ils en portent. Il est impossible de rien comprendre à ce qui se passe sous nos yeux, si l’on ne reconnoît d’abord, dans les deux mouvements opposés qui agitent le monde, la continuation de la guerre que l’athéisme déclara ouvertement, vers le milieu du dernier siècle, à la religion catholique, sa seule véritable ennemie ; et si l’on ne considère, d’une autre part, que cette guerre, plus vive qu’elle ne le fut jamais, a totalement changé de nature, en ce qu’autrefois l’athéisme, n’ayant à ses ordres que des soldats dispersés et sans presque aucune organisation, combattoit la société publique, chrétienne alors, sinon dans ses membres, au moins dans ses lois, ses institutions, ses usages, ses maximes ; tandis que, maître aujourd’hui de cette société qu’il a conquise, il attaque avec toutes les forces qu’elle lui prête la religion, défendue seulement par des individus isolés. Loin que, d’un bout à l’autre, l’Europe soit travaillée par un ferment religieux,