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huit gendres et seize petits fils dans ce troupeau de victimes.

« Ils obéirent et reprirent leurs rangs, cette fois, calmes en apparence, mais désespérés. Et au bout d’un moment, les flancs du navire engloutissaient leur première cargaison de martyrs.

« Ce fut ensuite le tour des vieillards. Ce fut le même spectacle navrant ; les mêmes scènes de douleur, les accompagnèrent, seulement, leur marche fut plus silencieuse. Ou devinait qu’ils priaient au mouvement de leurs lèvres. Ils s’avançaient lentement, courbés par l’âge et le désespoir, comptant leurs derniers pas sur cette terre qu’ils avaient arrosée de leurs sueurs. Plusieurs étaient tête nue comme s’ils se fussent crus sur le chemin du Calvaire. Patriarches pieux, ils saluaient l’heureux berceau qu’ils avaient préparé à ces générations venues comme une bénédiction du ciel et auxquelles ils allaient maintenant montrer le chemin de l’exil. Les pauvres femmes folles de désespoir, les regardaient s’éloigner, et il leur semblait que leur cœur se brisait tout-à-fait.