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pas trop d’fatigue… moi, je m’chargerai du gros… nous prendrons les devants et nous f’rons dire à Balthazar de v’nir nous rejoindre… et il viendra, car il a l’pas pus long qu’nous.

— Mais, vous n’pouvez pas vous l’ver mon père, observa Pouponne, calmez-vous, je vous en prie… et, dites-moi : où voulez-vous aller ?

— Je veux retourner au pays… je veux faire honte à nos gars et les rappeler sous le drapeau de la France… et je veux chasser les Anglais de la terre que nous ont léguée nos pères.

— Tous les chemins praticables sont fermés, observa Balthazar : l’ennemi a contraint les habitants de l’Acadie à prêter le serment d’allégeance… vos fils eux-mêmes ont passé par cette condition.

— Mes fils ! s’écria le vieillard en riant d’un rire qui faisait mal à entendre ; les autres, peut-être… mais pas Balthazar !

Et il relevait sa tête vénérable avec toute la fierté, avec toute la noblesse d’un prophète de Michel-Ange.

— Balthazar comme les autres, dit le jeune homme ; ce serment seul pouvait lui ouvrir les portes de sa prison