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cher, je vous en prie !

— Ah, reprend une voix goguenarde, s’il vous plaît, dites-moi ce que vous faites là, à cette heure ?

— Mon bateau a chaviré… j’ai manqué de me noyer. Je ne peux plus retourner chez moi.

— Eh bien restez où vous êtes. Bonsoir !

— Oh, ne me laissez pas ici, dans ces bois où les bêtes me mangeront ; venez me chercher et je vous donnerai beaucoup d’argent.

— Gardez votre argent, nous n’en voulons pas !

— Oh ! je vous en supplie ! venez à mon secours, cria le pauvre petit garçon presque fou de frayeur.

— Non ! non ! répondit une voix… vous êtes un méchant, vous battez, vous tyrannisez vos petits nègres… restez ici pour votre pénitence. Bonne nuit missié Gustave. »

Et il eut beau peur et crier, on ne lui répondit plus et en s’en allant, la voix disait :

« Il n’a que ce qu’il mérite. »

Comme nous devons le deviner, c’étaient les petits soldats noirs que Gustave avait si maltraités quelques jours auparavant. Pas un d’eux n’eut pitié de lui.

La raison qui fit que Madame Delavaine ne manqua pas mourir de désespoir et d’inquiéter en ne voyant pas rentrer son fils est celle-ci :

À un mille de chez elle, demeurait une de ses cousines qu’elle aimait beaucoup. Un quart d’heure après la sortie de Gustave, un messager arriva en toute hâte aux Chênes Verts, portant à madame Delavaine la mauvaise nouvelle que sa cousine était bien malade et désirait la voir. La jeune veuve n’hésita pas un moment. Elle fit venir sa femme de charge.

« Madame Ralph, dit-elle, je pars à l’instant pour me rendre chez madame O… ma cousine, si je rencontre Gustave, je le prendrai avec moi, en cas