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Bayou, était la place d’armes : c’est là que les petits soldats se réunissaient tous les soirs. Gustave, comme capitaine, donnait des ordres si extraordinaires, parlait si fort, tapait si souvent, qu’il avait fini par inspirer une grande épouvante aux pauvres petits soldats noirs qui tous tremblaient devant lui. Depuis le jour où Gustave avait battu son frère, le petit Adam se sauvait dès qu’il entendait la trompette du capitaine appelant les soldats sous les armes, il courait s’enfermer dans la cabane de sa mère, amenant Malotru sous le lit et s’y cachant avec lui.

Et quand Catiche racontait en riant cette circonstance à sa maitresse, elle ne manquait pas d’ajouter :

« Faut l’excuser madame : c’est si p’tit ! si bête ! ça ne connaît pas encore les droits du maitre sur son esclave. »

Un jour que Gustave avait été puni par son professeur pour n’avoir pas su ses leçons, il résolut de passer sa colère sur ses pauvres petits soldats, de les houspiller et de les fustiger de la plus belle manière. En effet il se montra si injuste, si brutal, qu’au lieu d’exécuter une contremarche que la voix du capitaine venait de commander, tout le régiment mit bas les armes et se mit à se sauver à toutes jambes, jurant qu’on ne les attraperait plus à jouer encore à ce jeu dangereux.

Seul Bob resta. Je vous l’ai dit, ce pauvre enfant qui n’avait comme sa mère qu’une médiocre intelligence, était le souffre-douleur de Gustave, qui le battait et lui faisait mille méchancetés pour la moindre des choses. Mais le pauvre petit nègre endurait tout sans rien dire. Il n’osait plus aller se plaindre à sa mère ; il disait quelquefois :

« C’est fini, tit maitre est trop méchant, je ne reviendrai plus jouer avec lui. »