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dans la colonie cet abandon par la France, s’efforce de tracer un riant tableau de l’avenir de la Louisiane et comble d’éloges les Américains.

« La mission, disait-il, qui m’avait transporté à travers 2,500 lieues de mer au milieu de vous, cette mission dans laquelle j’ai longtemps placé tant d’honorables espérances et tant de vœux pour votre bonheur, elle est aujourd’hui changée, celle dont je suis aujourd’hui le ministre et l’exécuteur, moins douce quoique également flatteuse pour moi, m’offre une consolation, c’est qu’en général elle vous est encore beaucoup plus avantageuse.

… Vous voilà donc, Louisianais, investis tout d’un coup d’un droit acquis aux métropoles, d’une constitution et d’un gouvernement libres…

Par la nature du gouvernement des États-Unis et des garanties, dans la jouissance desquelles vous entrez sur-le-champ, vous aurez sous un régime même provisoire des chefs populaires qui ne seront pas impunément sujets à vos réclamations et à votre censure et qui auront un besoin permanent de votre estime, de vos suffrages et de votre affection.

… L’époque arrivera promptement où vous vous donnerez une forme de gouvernement particulier qui, en même temps qu’elle respectera les maximes sacrées consignées dans le pacte social de l’union fédérale, sera adaptée à vos mœurs, à vos usages, à votre sol, à vos localités.

Parmi les mille vaisseaux qu’on verra incessammentà vos quais, vos regards, je l’espère, Louisianais, distingueront toujours avec complaisance le pavillon français et sa vue ne cessera de récréer vos cœurs ; tel est notre ferme espoir je le professe formellement ici au nom de mon pays et de mon gouvernement.

Cette mission, ajoutait-il, moins douce pour moi que celle que j’étais venu remplir, m’offre cependant une consolation, c’est qu’elle est encore plus avantageuse pour vous que la première n’aurait pu l’être.

… Le traité vous assure tous les avantages et immunités des citoyens des États-Unis. Le gouvernement particulier que vous vous donnerez sera adopté à vos mœurs, à vos usages, à votre climat, à vos croyances. Ce Mississipi qui baigne non des déserts d’un sable brûlant, mais les plaines les plus étendues, les plus fécondes, les plus heureusement situées du monde, se verra incessamment sous les quais de cette autre Alexandrie, couvert de mille vaisseaux de toutes les nations.

… Je me suis plu, Louisianais, à opposer ce tableau aux reproches touchants d’abandon et aux tendres regrets que l’attachement ineffaçable d’une infinité d’entre vous à la patriè de vos ancêtres leur a fait exhaler en cette circonstance…»

Le 30 novembre, Laussat, Salcedo et Casa Calvo arrivèrent à midi moins le quart sur la place de l’Hôtel-de-Ville où se trouvaient rangées en bataille d’un côté les troupes régulières du régiment de la Louisiane avec les chasseurs à cheval du Mexique, de l’autre la milice de la ville commandée par Charpin. Laussat était escorté par une soixantaine de Français, Salcedo de tous les fonctionnaires et commerçants espagnols.

Au bruit des salves du brick l’Argo, les trois commissaires entrèrent dans la Chambre du Conseil où, sur une estrade, se trouvaient trois fauteuils ; Salcedo se plaça au milieu, le préfet à sa droite et Casa Calvo à sa gauche.

Ensuite Laussat se leva et présenta au gouverneur espagnol les