la bonne ou mauvaise fortune qui réglent la proportion de l' imposition, mais l' envie, le support, la faveur et l' animosité ; et que la veritable pauvreté ou la feinte, y sont presque toûjours également accablées. Que si quelqu' un s' en tire, il faut qu' il cache si bien le peu d' aisance où il se trouve, que ses voisins n' en puissent pas avoir la moindre connoissance. Il faut même qu' il pousse sa précaution jusqu' au point de se priver du necessaire, pour ne pas paroître accommodé. Car un malheureux taillable est obligé de préferer sans balancer la pauvreté à une aisance, laquelle aprés luy avoir coûté bien des peines, ne serviroit qu' à luy faire sentir plus vivement le chagrin de la perdre, suivant le caprice ou la jalousie de son voisin.
Enfin les habitans des paroisses de la banlieuë, se pourvoyent d' un habit contre les injures de l' air, sans craindre qu' on tire de cette précaution des consequences contre leur fortune ; pendant qu' à un quart de lieuë de leur maison, ils voyent leurs voisins qui ont souvent bien plus de terres qu' eux, exposez au vent et à la pluye avec un habit qui n' est que de lambeaux, persuadez qu' ils sont, qu' un bon habit seroit un prétexte infaillible pour les surcharger l' année suivante.
Je puis encore rapporter icy ce que j' ay appris en passant à Honfleur, qui est que les habitans pour se soustraire aux miseres et à toutes les vexations qui accompagnent la taille, se sont non seulement abonnez pour la somme qu' ils avoient de coûtume