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ſont tellement frayez, qu’on y reviendroit inceſſamment ; & c’eſt ce qu’il faut ſur toute choſe éviter.

La taille réelle fondée ſur les Arpentages & ſur les eſtimations des revenus des Heritages, eſt bien moins ſujette à corruption, il faut l’avouër ; mais elle n’en eſt pas exempte, ſoit par le défaut des Arpenteurs, ou par celuy des Eſtimateurs qui peuvent être corrompus, intereſſez ou ignorans : ou par le défaut du Syſtême en sa ſubſtance, étant trés-naturel d’eſtimer un heritage ce qu’il vaut, & de le taxer à proportion de la valeur preſente de ſon revenu ; ce qui n’empêche pas que dans les ſuites, l’eſtimation ne ſe puiſſe trouver défectueuſe. C’eſt ce que l’exemple ſuivant rendra manifeſte.

Un bon ménager possede un heritage, dans lequel il fait toute la dépenſe neceſſaire à une bonne culture ; cet heritage répond aux ſoins de son maître, & rend à proportion. Si dans ce temps-là on fait le Tarif ou Cadaſtre du Païs, ou qu’on le renouvelle, l’heritage ſera taxé sur le pied de ſon revenu preſent ; mais ſi par les ſuites cet heritage tombe entre les mains d’un mauvais ménager, ou d’un homme ruiné, qui n’ait pas moyen d’y faire de la dépenſe ; ou qu’il soit decreté ; ou qu’il tombe à des Mineurs ; tout cela arrive ſouvent & fort naturellement : en un mot, qu’il soit negligé par impuiſſance ou autrement, pour lors il déchoira de sa bonté, & ne rapportera plus tant ;